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Citations
Rousseau et la volonté générale
J'appelle donc République tout État régi par des lois [...] car alors seulement l'intérêt public gouverne, et la chose publique est quelque chose. Tout gouvernement légitime est républicain: [...] (en note) Je n'entends pas seulement par ce mot une Aristocratie ou une Démocratie, mais en général tout gouvernement guidé par la volonté générale, qui est la loi [...] alors la monarchie elle-même est république.
Du Contrat social ou, principes du droit politique, Livre II [Sur la souveraineté],
Voir Chap. VI : De la loi.
Machiavel (1469-1527)
Il faut donc savoir qu'il y a deux manières de combattre, l'une par les lois, l'autre par la force: la première sorte est propre aux hommes, la seconde propre aux bêtes; mais comme la première bien souvent ne suffit pas, il faut recourir à la seconde. Ce pourquoi est nécessaire au prince de savoir bien pratiquer la bête et l'homme. [...] Puis donc qu'un prince doit savoir bien user de la bête, il en doit choisir le renard et le lion; car le lion ne se peut défendre des rets, le renard des loups; il faut donc être renard pour connaître les filets, et lion pour faire peur aux loups. Ceux qui simplement veulent faire les lions, ils n'y entendent rien.
Le Prince
Nous sommes en 1513, à Florence. Machiavel est en prison. Il commence à écrire son Discours sur la première décade de Tite-Live. Des questions lui trottent dans la tête. Il cherche à comprendre :
- Comment on fonde une république ?
- Comment on la conserve ?
- Comment on la perd ?
Il interrompt à ce moment-là la rédaction de son Discours et, entre juillet et septembre 1513, il rédige d'un seul jet les 26 chapitres du Prince.
D'après une information provenant de Raymond Barre, à l'émission de télé « Questions à domicile », le 28.08.87, sur la chaîne TVFQ (aujourd'hui TV5), on apprend qu'il existe une édition commentée par Napoléon.
Cette approche de Machiavel sur l'étude des comportements individuels et collectifs a fait l'objet d'une présentation méthodologique dans Bruno Deshaies, Méthodologie de la recherche en sciences humaines, p.173-176. N.B. Il n'existe pas, présentement, de version française en ligne du Prince.
Edgar Morin
Propos recueillis par Anne Rapin
Question : Des millions d'années après son apparition, l'homo sapiens vous paraît en être encore au stade de la préhistoire sur le plan de l'esprit et du comportement. En quoi notre mode de pensée et d'appréhension de la réalité est-il un handicap au dépassement de nos problèmes actuels?
Il n'y a de connaissance pertinente que si on est capable de contextualiser son information, de la globaliser et de la situer dans un ensemble. Or, notre système de pensée, qui imprègne l'enseignement de l'école primaire à l'université, est un système qui morcelle la réalité et rend les esprits incapables de relier les savoirs compartimentés en disciplines. Cette hyperspécialisation des connaissances, qui mène à découper dans la réalité un seul aspect, peut avoir des conséquences humaines et pratiques considérables dans le cas, par exemple, des politiques d'infrastructures, qui négligent trop souvent l'environnement social et humain. Elle contribue également à déposséder les citoyens des décisions politiques au profit des experts.
La réforme de la pensée enseigne à affronter la complexité à l'aide de concepts capables de relier les différents savoirs qui sont à notre disposition en cette fin de XXe siècle. Elle est vitale à l'heure de l'ère planétaire, où il est devenu impossible, et artificiel, d'isoler au niveau national un problème important. Cette réforme de pensée, qui elle-même nécessite une réforme de l'éducation, n'est en marche nulle part alors qu'elle est partout nécessaire.
Au XVIIe siècle, Pascal avait déjà compris combien tout est lié, reconnaissant que «toute chose est aidée et aidante, causée et causante» - il avait même le sens de la rétroaction, ce qui était admirable à son époque -, «et tout étant lié par un lien insensible qui relie les parties les plus éloignées les unes des autres, je tiens pour impossible de connaître les parties si je ne connais le tout comme de connaître le tout si je ne connais les parties». Voilà la phrase clé. C'est à cet apprentissage que devrait tendre l'éducation.
Mais, malheureusement, nous avons suivi le modèle de Descartes, son contemporain, qui prônait lui le découpage de la réalité et des problèmes. Or, un tout produit des qualités qui n'existent pas dans les parties séparées. Le tout n'est jamais seulement l'addition des parties. C'est quelque chose de plus.
SOURCE : Point de vue d'Edgar Morin dans la revue Idées, no 28, 07/1997; voir dans Nouveautés sous la rubrique Publications et productions récentes pour la transcription intégrale de l'entrevue.
Arthur Schopenhauer (1788-1860)
« Quand il s'agit d'un système de pensées, il doit nécessairement se présenter dans un ordre architectonique; en d'autres termes, chaque partie du système en doit supporter une autre, sans que la réciproque soit vraie; la pierre de base supporte tout le reste, sans que le reste la supporte, et le sommet est supporté par le reste, sans supporter rien à son tour. Au contraire, lorsqu'il s'agit d'une pensée une, si ample qu'elle soit, elle doit s'offrir avec la plus parfaite unité. Sans doute, pour la commodité de l'exposition, elle souffre d'être divisée en parties; mais l'ordre de ces parties est un ordre organique, si bien que chaque partie y contribue au maintien de tout, et est maintenue à son tour par le tout; aucune n'est ni la première, ni la dernière; la pensée dans son ensemble doit de sa clarté à chaque partie, et il n'est si petite partie qui puisse être entendue à fond, si l'ensemble n'a été auparavant compris. Or il faut bien qu'un livre est un commencement et une fin, et il différera toujours en cela d'un organisme; mais, d'autre part, le contenu devra ressembler à un système organique; d'où il suit qu'ici il y a contradiction entre la forme et la matière.»
SOURCE : Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, Presses universitaires de France, 1996, p. 1-2. Préface de la Première édition. Écrit à Dresde, août 1818.