Rond-Point Histoire Histoire du Québec (1760 à nos jours) Les bourses du millénaire (1998)


« Les gueux chez le père Noël »

(Éditorial de Gérard Filion, 1949)

[EXTRAITS]

[...]

Depuis quelques années, c'est Ottawa qui joue au père Noël. Il a commencé avec les allocations familiales, il a continué avec les subsides aux provinces, et avec son plan de construction des hôpitaux. La Commission Massey fait enquête sur les ressources et les besoins des travailleurs de la pensée. [...]

Ottawa joue au père Noël et les Canadiens prennent petit à petit l'habitude de se tourner vers lui chaque fois qu'ils sentent ou qu'ils croient avoir des besoins. [...]

[...] Pendant que les provinces tirent la langue, Ottawa vit dans l'opulence, Ottawa s'est emparé des revenus des provinces et il se la coule douce. Les provinces ont les pouvoirs, mais elles n'ont pas l'argent ; Ottawa n'a pas les pouvoirs, mais il tient le magot.

Il s'agit de savoir si nous allons remettre les pouvoirs à celui qui a de l'argent ou si nous allons forcer celui qui a l'argent à le remettre à celles qui ont les pouvoirs. Les pouvoirs des provinces en matière d'éducation, de législation sociale, ne sont pas contestés par les gens sérieux. [...]

Le fédéral tient le magot parce qu'il s'en est emparé. [...]

L'éducation, avec tout ce qui en découle, est un « objet provincial ». [...]

Les provinces sont pauvres, parce qu'elles se laissent dépouiller par Ottawa. Elles jouissent d'une exclusivité en matière d'impôt direct, dans la mesure où elles ont besoin de ressources pour des fins provinciales. [...]

[...] Ottawa a un rôle à jouer au pays : il peut faire beaucoup pour la recherche scientifique, la propagande à l'étranger de nos lettres et de nos arts, pour la constitution de bibliothèques et de centres de recherches, en un mot pour la vie de l'esprit. Il ne s'agit pas de l'exclure totalement de ce domaine. Mais il faut le garder dans son rôle uniquement supplétif qui est celui de tout gouvernement central dans une confédération.

Nous ne croyons plus au père Noël, surtout au père Noël qui nous détroussent d'une main et nous offrent des cadeaux de l'autre. Surtout nous n'aimons pas jouer aux gueux qui vont mendier leur propre bien.

SOURCE : Le Devoir, samedi, 26 novembre 1949, p. 4.


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