L'affrontement Lesage-Johnson (1962)
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LESAGE – la nationalisation
En 1960, tout le monde admet qu'à ce moment-là une ère nouvelle a commencé pour le Québec et le changement, le changement de vie qui est intervenu, c'était voulu par le peuple du Québec. 1960 a été l'année de la libération politique et depuis ce temps un vent de liberté a continué de souffler sur la province, et enfin tous les Québécois, tous que nous en sommes, nous pouvons être fier de notre titre de Québécois. Ça fait deux ans de cela. Ça fait deux ans que nous avons une administration libérale et nous avons réalisé durant... constaté durant ces deux ans, que pour que nous puissions réellement progresser économiquement il fallait une nouvelle libération, la libération économique. Car c'est à cette condition seulement avons-nous constaté après des études approfondies que le Québec, que les citoyens du Québec seront réellement libres dans leur vie et dans leurs actions. Et la clef de la libération économique et bien c'est la nationalisation des compagnies privées d'électricité. Et il faut faire l'opération au complet. Autrement nous n'aurons pas l'instrument qui nous manque et je vous le dit, nous n'aurons pas l'instrument qui nous manque pour assurer notre progrès.
« La nationalisation de l'électricité permettra au Québec de devenir la province la plus puissante du Canada. »
En effet, la nationalisation de l'électricité, à condition qu'elle soit complète permettra, ne l'oublions pas, permettra au Québec, à cause de la richesse de ses ressources hydroélectriques, de devenir la province la plus puissante du Canada. Et elle permettra au Québécois en même temps de devenir en même temps les maîtres de leur développement économique et industriel au lieu d'en être trop souvent les spectateurs passifs, d'être les spectateurs passifs de l'activité des autres. Et, dans l'ensemble, elle est une condition de base pour permettre à l'ensemble de la population de jouir d'un meilleur niveau de vie.
Vous savez, c'est en grande partie la nationalisation de l'électricité en Ontario, en 1906, qui a permis l'expansion industrielle rapide et la centralisation industrielle chez nos voisins. Nous considérons que nous sommes cinquante ans en retard. En 1936, le parti de l'Union nationale s'était engagé dans cette voie, mais une fois rendu au pouvoir il a reculé et au lieu de nationaliser on a décidé de laisser tomber le Dr Hamel.
Et depuis deux ans, ayant à côté de moi l'exemple de l'Ontario, et voyant ce qui se passait dans mon bureau. En effet, toutes les fois que des initiateurs d'industries nouvelles dans le Québec sont venus me voir, la première condition qu'ils ont posée c'est d'obtenir l'électricité à des conditions qui leur permettent de faire face à la concurrence pour leurs produits sur les marchés étrangers. Ça été le cas de la Raffinerie de Zinc à Valleyfield, ça été le cas de la Gaspésia Sulfite à Chandler, ça été aussi le cas de l'établissement de Atlas Steel, une usine d'acier inoxydable à Tracy, près de Sorel, et dans ce dernier cas nous sommes en territoire de la Shawinigan [Water and Power]. Mais à chaque fois, il a fallu faire intervenir l'Hydro [c'est-à-dire, la Commission hydroélectrique de Québec], propriété de tous les Québécois parce qu'elle seule avait de l'électricité et la souplesse nécessaire dans l'établissement des taux, comme d'ailleurs l'Hydro-Ontario, pour assurer l'établissement de ces industries dans le Québec.
La preuve est faite que le facteur puissant, chez nous, et chez nos voisins, de l'expansion industrielle et de la décentralisation industrielle c'est le facteur électricité. Et nous avons fait les chiffres depuis deux ans. Nous récupérerons 15 millions avec la nationalisation, 15 millions d'impôts sur le profit des corporations payés présentement par les compagnies d'électricité privées à Ottawa, et que l'Hydro n'aura pas à payer. En Ontario, l'Hydro ne paye rien non plus.
Nous aurons à notre disposition vingt millions de dollars de profit des corporations privées à l'heure actuelle, vingt millions de dollars de profit net après le paiement des intérêts et d'un amortissement généreux sur leurs obligations actuelles et aussi sur leurs hypothèques. Et quel sera le coût ? Nous assumerons les 250 millions de dollars d'obligations pour lesquelles, je le répète les intérêts et l'amortissement seront payés avant le calcul des profits, alors nous paierons 250 millions et l'Hydro empruntera, avec la garanti de la province 350 millions de dollars facilement. J'ai toutes les garanties à ce sujet. Ce qui fait 600 millions de dollars. C'est le coût de cette opération rentable, profitable, essentielle à l'avenir du Québec. Je suis prêt à me battre pour ce chiffre de 600 millions de dollars qui est celui qui a été calculé par les experts après des études approfondies au Ministère des richesses naturelles; ceci est dans le rapport du Ministère des richesses naturelles au Conseil d'Orientation Économique, et celui-ci est un long rapport d'économistes réputés, je dirais, également au Conseil d'Orientation Économique.
Il nous faut nationaliser. C'est maintenant qu'il faut le faire, parce que plus nous retardons, plus ça peut être dispendieux. C'est essentiel, il faut que nous y allions des maintenant.
Charette : Merci beaucoup, M. Lesage. La parole est maintenant à M. Daniel Johnson qui lui aussi pourra profiter de sept minutes.