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Rond-Point Didactique Les sciences humaines au primaire : 1970-1980
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Les sciences humaines au primaire : 1970-1980
L'année 1970-1971
L'année 1970-1971 a été une année active pour le programme des sciences humaines au primaire. Avec une petite équipe d'A.D.P. (c'est-à-dire d'agents de développement pédagogique) composée exclusivement d'enseignants et d'enseignantes du primaire et d'un représentant bilingue(?) pour les Anglo-protestants, un travail difficile de révision des programmes de géographie, d'histoire et de « social studies » et même d'histoire des États-Unis et de la Grande-Bretagne et du Commonwealth au primaire a été entrepris. Les agents de développement pédagogique ont travaillé sur les orientations générales proposées. Les propositions élaborées ont été soumises par la suite au comité consultatif des sciences humaines au primaire (le C.C.S.H.P).
Grâce à ce comité consultatif que j'ai eu l'occasion et le plai-sir de présider, les sciences humaines ont reçu l'impulsion qu'il fallait. Les discussions au sein de ce comité ont été honnêtes, franches et intelligentes. Chacun a fait son bout de chemin jusqu'à un certain matin où des décisions finales et, pour l'heure, définitives devaient être prises. Voici la « relation » aussi fidèle que possible de cette journée.
- Formation d'un sous-comité
- Adoption du document de l'Orientation nouvelle des sciences humaines à l'élémentaire
- Opération première vague
C'est à Québec, dans une salle du Château Bonne-Entente, que le moment fatidique est arrivé. Le comité ne pouvait plus progresser dans ses travaux. On était dans cul-de-sac. Les principes du renouveau pédagogique étaient acceptés, mais les conséquences pratiques ne pas-saient pas la rampe. Un peu comme cette histoire d'un lac [le lac Meech] et d'un accord bien connu actuellement! Qui peut démêler vraiment l'écheveau inextricable des motifs et des intentions qui peuvent se cacher derrière des comportements humains? A tout événement, c'est à ce moment-là que j'ai pris le risque d'informer les membres du comité consultatif de la position que j'adopterais s'ils ne s'entendaient pas maintenant. Ceci leur a été dit était à peu près en ces termes : « Si dans les 15 ou 20 minutes suivantes vous ne parve-nez pas à trouver un compromis sur la composition du programme, je ne m'occuperai plus de ce programme et je laisserai faire à qui mieux mieux ceux qui voudront essayer de faire mieux. » L'instant était grave. Les membres du comité ont pris au sérieux cet avertis-sement. Les anglophones et les francophones ont dû se soumettre à un compromis honorable. Je tiens ici à remercier monsieur Brian Maddock de la commission scolaire du Lakeshore et tous les agents de développement pédagogique de sciences humaines d'avoir accepté et assumé la lourde responsabilité de faire comprendre, pour les uns au milieu anglophone, et pour les autres au milieu francophone, l'urgence d'adopter les transformations proposées. En fait le compromis a été le suivant. Un sous-comité du comité consulta-tif a été constitué de tous les agents de développement pédagogique dont monsieur Maddock ; ce sous-comité avait pour mandat de faire le point sur la situation du programme. Après les travaux du sous-comité, le comité consultatif s'engageait à accepter le compromis auquel ces personnes pourraient arriver.
Les discussions du sous-comité ont été intenses et soutenues. Monsieur Maddock a fait des progrès énormes en français durant ce temps-là, les sciences humaines aussi... Après des mois d'effort, une orientation nouvelle des sciences humaines est née. Elle fut soumise au comité consultatif des sciences humaines au primaire qui entérina l'orientation nouvelle des sciences humaines. Après une première traduction du programme par le Ministère, monsieur Maddock révisa le texte pour le rendre plus acceptable et aussi plus idiomatique pour ses compatriotes anglo-phones. La directive fut acheminée à madame Kathleen Francoeur-Hendriks, à ce moment-là directrice générale de la Direction générale de l'enseignement primaire et secondaire (D.G.E.E.S.). Madame Thérèse Baron se trouvait sous-ministre adjointe à l'enseignement primaire et secondaire. Lors de sa lecture du document, madame Baron avait inscrit en marge du document quelques remarques personnelles que d'aucuns voulaient interpréter comme une négation à l'endroit de l'orientation nouvelle des sciences humaines. Cette interprétation était nullement fondée, même qu'elle n'avait pas la portée que ceux-ci voulaient bien lui donner. J'ai pu personnellement vérifier la véracité des interprétations qu'on voulait faire des commentaires de madame Baron. Il s'agissait plutôt de quelques opinions strictement personnelles exprimées en cours de lecture du document. Alors l'Orientation nouvelle des sciences humaines à l'élémentaire fut approuvée par la Direction générale de l'enseignement élémentaire et secondaire et par le sous-ministre en titre, monsieur Yves Martin. Le 14 juillet 1971, la directive - qu'on appelait à l'époque une circulaire - était acheminée à toutes les commissions scolaires ayant juridiction sur l'enseignement primaire au Québec. Elle parut conjointement sous ma signature et celle de madame Francoeur-Hendriks. Ce fut l'un des plus beaux moments de ma carrière en tant que directeur de la division de l'enseignement des sciences de l'homme au Québec. Je crois que tous ceux et celles qui ont eu l'occasion de réaliser cet événement en sont encore fiers ou fières aujourd'hui.
Une étape venait d'être franchie. L'idée d'une directive administrative pouvant modifier la nature des programmes existants venait d'être acceptée. Les comités confessionnels du Conseil supérieur de l'Éducation avaient par ce biais été court-circuités. En fait la Direction générale de l'enseignement élémentaire et secondaire venait d'officialiser une directive de programme sans qu'il fût nécessaire d'obtenir l'aval complet des comités confessionnels puisqu'il s'agissait seulement d'une interprétation des « anciens » programmes. La vigilance reprit le dessus plus tard. Les « anciens » programmes furent dûment cités par la suite dans la directive annuelle concernant le régime pédagogique du primaire. Cependant, l'orientation nouvelle était préservée par la référence à la directive de 1971. De cette manière, les technocrates étaient satisfaits. On sauvait la forme tout en conservant l'esprit! A la limite, on pouvait s'asseoir sur le passé! Mais en 1971, je peux dire que la seule force de la consultation et la détermination dans le travail en profondeur ont eu raison de l'appareil administratif. La légitimité des uns valaient bien celle des autres!
L'Orientation nouvelle des sciences humaines à l'élémentaire était devenue le document officiel du ministère de l'Éducation. Les commissions scolaires savaient maintenant l'orientation qu'elles devaient prendre face aux sciences humaines. Il n'était plus possible de reculer. C'est alors que l'opération « agents de développement pédagogique » première vague a pu produire une trouée remarqua-ble. Le chan-tier était vaste et l'enthousiasme très grand. Les Pauline Bédard, les Mireille Bélair, les Gisèle Brûlé, les Maurice Villeneuve, les Brian Maddock, les Yves Lenoir et les Gilles Berger ont mis toutes leurs énergies à la réalisation des objectifs pédagogiques des sciences humaines. Je me souviens de ces discussions sur les sciences humaines à l'école Notre-Dame-de-Pitié, à Québec, dans les aéroports et jusque dans les écoles primaires où l'on discutait ferme, dans l'amitié et la camaraderie. Ce groupe de femmes et d'hommes n'aurait pas fait ce qu'il a fait sans ce sentiment de respect et de fraternité.