Christian Dufour et « Le Canada : une histoire populaire »

Vigile.net, Chronique du jeudi 06-09-2001
REM. : REM. : Les deux artistes cités dans cette chronique constatent un phénomène d'assimilation. Ce constat ne signifie pas qu'ils admettent l'état de la situation du français chez les Québécois. Nous ne leur prêtons pas cette intention. (Bruno Deshaies, 9 avril 2009)

« Je m'anglicise lentement
lentement je m'anglicise. [...]
Mots de ma jeunesse
Je ne vous chante plus [...]
Je ne vous entends plus. »
(Chloé Sainte-Marie)

Le long discours plaintif du professeur Christian Dufour au sujet de la série télévisée « Le Canada : une histoire populaire » illustre le profond mécontentement des Québécois Français depuis des générations. Jusqu'à ce jour, toutes les tentatives, conscientes ou inconscientes, d'occulter ce ressentiment « canadien-français » ont échoué. Le Québec « profond » ne marche pas!

Pourtant, des sirènes séduisantes du Québec, à la suite de Jean Chrétien ou de Lucien Bouchard, tentent encore aujourd'hui dans un rapport sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec à chanter la bonne entente et à concevoir un Québec dont la langue citoyenne ne serait plus qu'une langue de communication véhiculaire et qu'une technique linguistique du vivre ensemble. Quel avenir une pareille société peut-elle se réserver?

J'imagine que tout ce beau monde participe à l'idéologie sous-jacente de l'histoire populaire dont nous a affublé la Société Radio Canada pendant des semaines et maintenant à répétition... La réaction de Christian Dufour est noble, mais elle ne parvient pas au noeud gordien du litige entre le Canada Anglais et le Québec Français.

Je propose fermement, sans hésitation et à haute voix, la lecture de Maurice Séguin dont deux ouvrages sont absolument nécessaires à la compréhension des enjeux actuels du Québec contemporain. Le premier : Histoire de deux nationalismes au Canada (Guérin, 1997), soit un livre complètement incontournable. Le deuxième : Les Normes de Maurice Séguin (Guérin, 1999), soit une synthèse théorique inégalée et insurpassée sur les bases de l'histoire et de la sociologie du « national ». Ces deux ouvrages devraient être les livres de chevet de tous les Québécois. Plus qu'un récit historique, c'est une analyse systématique et, encore plus, une synthèse de l'histoire à la fois du passé du Canada ou des deux Canadas et une réflexion en profondeur sur la vie des sociétés et sur sa conception de la vie et de l'histoire.

Les chanteurs de pommes sur l'avenir du Québec auraient intérêt à s'abreuver à ces deux ouvrages.

Mais pour le citoyen ordinaire qui espère (ou désespère !) comprendre, quand il aura lu et surtout relu les deux ouvrages de Maurice Séguin, il découvrira très facilement pourquoi la Société Radio Canada m'a empêché de parler de ces deux livres. Il comprendra aussi pourquoi le quotidien Le Devoir s'est contenté d'une brève mention à l'occasion de leurs parutions. Ce comportement des dirigeants du journal Le Devoir est aussi significatif que celui de Radio Canada. Il ne faut pas déranger les biens pensants d'aujourd'hui devenus la nouvelle « Église » du Québec !

Les Québécois sont progressivement passés du vouloir vivre collectif au vivre ensemble. Il ne leur reste plus qu'un pas à franchir pour qu'ils ne se contentent que de vivre dans une langue tout bonnement véhiculaire et, après demain, dans une autre langue. Un jour ils parleront tous l’anglais, mais ils seront devenus indépendants !

« Adieu Villon
Adieu Miron »

(Paroles de Chloé Sainte-Marie dans la chanson « To be or not to be la vie ».
Dans son album « Je pleure tu pleures ». 1999 )

Vingt-trois ans plus tôt, dans « Mon oncle Edmond », le chanteur Jean Lapointe aborde le même thème récurrent ! Depuis, il est devenu sénateur !

Extraits de Mon oncle Edmond :

« Dans la famille du côté de ma mère
Y'avait mon Oncle Edmond
Y'était ben smatt pis parlait anglais
[...]
Par une journée ensoleillée
Edmond est disparu
[...]
Y faisait des : Yip, yip, do you speak english ?
[...]
Quand Edmond est mort
Y parlait l'anglais »

(Paroles et musique de Jean Lapointe 1976.)

En 2001, le tir vient d’être corrigé. Les Québécois aiment parler plusieurs langues : beaucoup sont trilingues ! (Dixit Bernard Landry)

Or, la question n’est pas d’être trilingue ou bilingue, c’est d’être comme être individuel et comme être collectif en tant que Québécois Français.

« Le Canada : une histoire populaire » nous amène sur une fausse piste. La meilleure façon de corriger cette situation, c’est de faire notre histoire. Le ton plaintif et notre mécontentement historique n’y changeront rien.

« To be or not to be la vie »

VIVRE C’EST AGIR.

(30)

Bruno Deshaies
Québec, 6 septembre 2001