Doris Lussier-FINAL

 Doris Lussier

Pour la suite de notre histoire

Le Jour, lundi, 1er avril 1974, p. 5.

Cet article de Doris Lussier mériterait une analyse plus poussée de son questionnement (texte intégral infra). L’existence de la Confédération canadienne lui paraît comme étant le verrou qui ferme la porte à «la liberté publique» de la nation québécoise. Ce mot «confédération» revient huit fois dans son texte. Généralement, c’est pour en faire la critique comme système politique. Toutefois, le fait d’être dépité par cette situation ne signifie pas qu’il ne puisse pas croire à une réforme du système fédératif.

En revanche, il dresse un bon plaidoyer pour motiver ses lecteurs à reconnaître qu’il est préférable de se gouverner soi-même. «Quand une idée aussi raisonnable que celle de la liberté publique habite l’âme d’une nation, fait-il remarquer, elle se transforme en sentiment collectif et elle devient une force de mouvement que rien ne peut plus empêcher d’atteindre son but.»

Même si ce document date de 1974, nous pouvons dire que dans l’ensemble son raisonnement tient encore la route en 2015. Nous avons mis dans la 2e colonne du document sa démarche et l’expression de ses inquiétudes au sujet de l’avenir de la société québécoise française quant à ses forces et ses faiblesses. Son appel alarmiste n’est pas sans raisons valables.

Par exemple, il reconnaît d’emblée que le Canada-Anglais va exercer son poids comme «majorité dominante» afin d’empêcher notre «liberté publique». Lussier dixit : «C’est pour cela que de tout leur poids de majorité dominante, ils s’évertuent à toujours retarder l’échéance des changements constitutionnels. Ils savent bien, eux, que l’indépendance politique est notre seul salut.» Est-ce que le professeur Lussier croit à des changements constitutionnels ? Il est difficile de répondre à cette question. Cependant, on peut imaginer qu’il le souhaiterait à certaines conditions. Lesquels ?

Nous pouvons toujours nous consoler, car nous avons pu «obtenir notre État à nous» en 1867. Toutefois, «il reste que nous sommes encore enfermés dans une Confédération qui nous enlève la maîtrise de notre destin comme nation» et, en plus, d’être «les éternels cocus de la Confédération». Claude Charron a dit à-peu-près la même chose, trente-deux ans plus tard, dans «La nation dont on se moque» (voir le texte intégral à paraître prochainement dans l’Annexe de la Chronique 427 par Bruno Deshaies sur le site Vigile.quebec).

Ne devrait-il pas en être autrement ? La réponse de Lussier est la suivante : «Âgé de 440 ans cette année [1974], le peuple québécois sait qu’il est maintenant assez grand pour décider lui-même de son avenir et faire sa vie politique. Il est majeur et il veut se conduire comme tel.» L’idée n’annonce-t-elle pas le référendum de 1980 ?

En histoire, le passé annonce le présent qui conditionne le futur. Cette boucle n’est pas inexorable, mais elle peut être difficile à modifiée. Par exemple, en 2015, le futur du passé pour les Québécois nés en 1974 est de 41 ans. Même si ces individus n’avaient pas reçu de cours d’histoire au secondaire ou au collégial, peut-on imaginer qu’ils n’auraient pas vécu le référendum de 1995 ? Ils avaient à ce moment-là vingt-et-un ans ! Vingt ans plus tard après le deuxième référendum, ces adultes peuvent-ils se satisfaire de ce futur passé dont ils ont eu une connaissance directe en tant que citoyens et contribuables ?  N’est-ce pas que chacun d’entre eux est amené à se prononcer fréquemment sur ces questions fondamentales de la vie en société ? du destin du Québec ? de son développement intégral ? et de son indépendance politique complète ? Il est certain que ces adultes de 41 ans s’attendent à des explications par les politiques indépendantistes sur leurs intentions véritables quant à l’indépendance du Québec.

Cette génération des quarante ans est perplexe. Elle veut des réponses à trois questions bien simples : Que s’est-il passé ? Que voulons-nous ? Où voulons-nous aller ?  Bien malgré elle maintenant, elle ne saurait éviter de recourir à une explication historique. Doris Lussier leur présente un bilan qui s’arrête en 1974 mais qui, à bien des égards, correspond encore au présent vécu aujourd’hui. Ces citoyens et citoyennes sont-ils prêts à endosser le point de vue de Doris Lussier ?

Les politiques indépendantistes doivent s’expliquer clairement sur leurs orientations indépendantistes. À 56 ans, Doris Lussier a pris position. Il soutient qu’après 440 ans d’histoire, en 1974, «le peuple québécois sait qu’il est maintenant assez grand pour décider lui-même de son avenir et faire sa vie politique. Il est majeur et il veut se conduire comme tel.» Cette «idée-force de la nation québécoise» doit demeurer présente dans la conscience collective des Québécois et Québécoises «Pour la suite de notre histoire». C’est ce qui s’appelle : « Aller au fonds des choses.»

Le Président de l’Islande avait bien raison d’affirmer récemment à l’occasion de son passage à Québec que « L’indépendance en soi ne peut jamais être négative. » (Déclaration apportée par Patrice Bergeron, dans La Presse, mardi 24 février 2015. http://www.vigile.net/De-passage-a-Quebec-le-president)

Le premier obstacle au mouvement indépendantiste concerne notre aliénation fondamentale, essentielle, causée par notre annexion prolongée. Le deuxième obstacle dépend du fait que la nation québécoise est greffée à un empire étranger relativement prospère dont nous subissons un véritable matraquage psychologique à la fois politique mais surtout économique qui est surtout favorable au statu quo.  Enfin, troisième obstacle, l’unité canadienne est une valeur fondamentale de la constitution canadienne que le Canada-Anglais cherche à protéger parce qu’il est résolument intéressé à maintenir, à défendre, à conserver ″sa" Province de Québec.»   Lire la suite

Sur ces trois obstacles, Doris Lussier a su percevoir l’aliénation collective, la soumission aux fortes pressions de la nation majoritaire et indépendante. Toutefois, c’est un peu moins clair au sujet du troisième obstacle. Depuis 1974, nous connaissons le passé qui s’est mis en travers du chemin du mouvement indépendantiste. Bien sûr, nous pouvons dire comme Lussier : «Quand le goût de liberté s’empare d’une nation, les sophismes des faux prophètes et les manœuvres intéressées des mauvais bergers ne peuvent plus jamais le lui enlever.» C’est très certainement vrai mais il faudra utiliser des méthodes et des moyens différents de nos prédécesseurs pour atteindre la fin visée. L’objectif doit être clair.

Pour cela, un très grand nombre de sujets Québécois devront, d’une part, s’affranchir de l’idéologie fédéraliste et, d’autre part, comprendre vraiment le besoin de se doter d’un État souverain et croire fermement à devenir une nation indépendante ouverte sur le monde comme nation distincte. Autrement dit, la présence par soi au monde extérieur pour un État souverain ne peut supporter un intermédiaire, c’est-à-dire un autre État-nation qui agirait à sa place.  Tel est l’instinct vital profond d’une société quand elle veut durer et que cet instinct a la possibilité de se manifester librement.

Il faut maintenant une équipe capable de comprendre ces fondements et de mener à terme l’action concertée d’une majorité solide de Québécois et de Québécoises à mettre le cap sur l’indépendance du Québec sans fioritures.

Bruno Deshaies

Montréal, 6 mars 2015

«PARCE QU’IL EST NATUREL

QU’UN PEUPLE ADULTE

N’AIME PAS ÊTRE GOUVERNÉ

PAR UN AUTRE.»

Doris Lussier

À la suite de la présentation du texte de Lussier vient la version intégrale de son article dans Le Jour  ⇒  Vigile-427.Doris-Lussier_1974