NOS ILLUSIONS SONT-ELLES PERDUES
DEPUIS LA PUBLICATION D’OPTION QUÉBEC
PAR RENÉ LÉVESQUE ?
La Préface de l’historien Jean Blain au manifeste Option Québec de René Lévesque demeure un document clé (voir le document ci-après) pour servir à l’interprétation des événements politiques des 40 dernières années qui ont été marquées par cette génération de Québécois qui a été celle des Jean Lesage, Daniel Johnson, père, René Lévesque, Jacques Parizeau, Camille Laurin ou Jacques-Yvan Morin, comme par ailleurs, des Robert Bourassa, Pierre Elliott Trudeau, Jean Marchand. Gérard Pelletier, Marc Lalonde ou Jean Chrétien.
Les deux courants principaux (fédéraliste et souverainiste) se sont épuisés mutuellement dans des luttes fratricides ; celles-ci se continuent encore sous nos yeux sans qu’on prenne la mesure de la désolation et même de la dévastation du Québec et des Québécois. Ce constat sur la situation des Québécois au plan national n’est pas encore partagé par un assez grand nombre d’individus dans la société québécoise, ce qui fait que nous piétinons plutôt que nous marchons – pour ne pas dire que nous tournons en rond.
Les espoirs de l’historien Jean Blain en 1968 ne se sont jamais réalisés. Le Mouvement souveraineté association ou MSA de René Lévesque qui est devenu le PQ n’a pas été le ferment capable de muter le Québec DU STATUT DE PROVINCE à celui D’ÉTAT SOUVERAIN.
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INDÉPENDANCE : POUR OU CONTRE ? 117
VALSER ENTRE L’INDÉPENDANCE ET LE FÉDÉRALISME
Une histoire contradictoire du Parti québécois
Chronique du jeudi 7 novembre 2002
http://www.vigile.net/ds-deshaies/docs/02-11-7.html
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L’insatisfaction exprimée par les indépendantistes et le refus du Canada-Anglais de négocier un nouveau Pacte demeurent deux variables majeures sur l’échiquier de la politique québécoise et canadian. L’égalité entre les deux sociétés est inacceptable pour les fédéralistes canadians et surestimée trop facilement par les souverainistes confédéralistes québécois. Ils ne s’entendront jamais.
L’indépendance à deux est un leurre, un mythe ou, dit autrement, une fixation, une lubie. L’union canadienne (par opposition à l’unité québécoise) dont ont rêvé les collègues de Maurice Séguin, Michel Brunet et Jean Blain, ne s’est pas réalisée. Liquider la tradition n’est pas une mince affaire même si chacun d’entre nous comme Québécois-Français croyons savoir « ce que c’est que l’indépendance ». En vérité, il y loin de la coupe aux lèvres ! L’indépendance du Québec ne doit pas faire l’objet seulement de conversations et de débats privés ou publics.
La transformation mentale de l’optique fédéraliste vers l’optique indépendantiste exige une révolution de la pensée tant au plan de la sociologie politique que dans l’interprétation des faits. C’est une vision toute nouvelle de l’avenir du Québec qui prend corps dans l’esprit et qui doit avoir des conséquences tant dans les attitudes que les comportements. Il doit y avoir un transfert des idées aux actes. Ce changement profond implique l’action.
Les élections du 26 mars prochain démontreront que la dernière vague indépendantiste en lice ne marquera pas d’une pierre blanche l’indépendance complète du Québec, c'est-à-dire l’autonomie interne et externe y compris le développement économique par ses propres forces nationales. Il faudra un effort supplémentaire pour faire comprendre à la population du Québec qu’elle doit se libérer définitivement de ses réflexes annexionnistes inconscients qui la rend vulnérable aux propositions de leurs adversaires fédéralistes.
Au fond, le préfacier d’Option Québec est un souverainiste associationniste. Bon analyste de la situation de l’époque, mais comme beaucoup d’autres de sa génération, il hésite à dépasser le stade des arrangements politico-constitutionnels de type fédéraliste qui privent le Québec d’un destin indépendantiste.
Tout près de 40 ans plus tard nous sommes toujours à chercher frénétiquement « le cadre approprié » qui permettrait de réaliser nos « aspirations irrépressibles et sans cesse grandissantes et d’autre part, de recherches frénétiques du cadre approprié où les réaliser ». Jean Blain nous décrit très bien la situation en 1968. Aujourd’hui, nous pensons qu’il ne pouvait mieux dire pour nous montrer à quel point l’indécision mortelle des péquistes et des souverainistes entre l’associationnisme et l’indépendance à miner progressivement les « aspirations irrépressibles » des Québécois à affirmer et défendre l’indépendance du Québec.
Si l’Option Québec de René Lévesque, c'est-à-dire la voie de la souveraineté association, n’est pas parvenue à être, comme l’a pensé Jean Blain, « un des points de ralliement les plus importants de notre histoire », force est de constater aujourd’hui que c’est une immense déception et un échec lamentable.
Les Québécois ne pourront pas jouer au yoyo indéfiniment avec l’indépendance du Québec. Ou le yoyo est en mouvement vers le haut ou il se trouve en mouvement vers le bas. Arrêter le mouvement dans sa course, c’est de la folie collective. Aller vers le bas, c'est-à-dire dans l’associationnisme, le partenariat ou le confédéralisme, c’est toujours de l’annexion. Monter vers l’indépendance, c’est amener le yoyo vers le haut, c'est-à-dire vers l’objectif de la maîtrise et de la défense de l’agir (par soi) collectif dans tous les domaines de la vie de la nation, soit en politique, en économique et au culturel. Voilà le SEUL cadre approprié pour réaliser l’indépendance du Québec.
Depuis 40 ans, les Québécois se sont accrochés au mythe de l’égalité des nations fondatrices au Canada. Ce problème est réglé depuis 1840, du moins dans l’esprit du CANADA-ANGLAIS (et soit dit en passant que ce n’est pas le ROC, mais bien le CANADA fédéral). Or, nous devons savoir que ce régime politique est par essence centralisateur depuis 1867 et qu’il a été reconfirmé en 1982, puis consolidé par la Loi sur la clarté de 1999.
Bruno Deshaies
Montréal
Le 6 mars 2007
Option Québec
(Éditions de l’Homme, 1968)
24 août 1922, New Carlisle, Québec
1er novembre 1987, Montréal
L’ "option" de René Lévesque [1988], qui n’occupe ici qu’une trentaine de pages, est encadrée d’un historique du mouvement (1968-1988), d’une section sur l’organisation économique d’un État québécois souverain et de nombreuses annexes. (Source : Services documentaires multimédia Inc.)
par
Jean Blain(*)
Ce qui apparaît nouveau, c’est l’accélération du mouvement et la prise de conscience de plus en plus aiguë qu’il suscite à travers toutes les couches de la population québécoise. On sent, en retenant son souffle, que l’échéance approche.
« …le régime Duplessis a donné naissance à deux tendances… »
Après la décantation opérée par le temps, il semble plus clair aujourd’hui que le régime Duplessis a donné naissance à deux tendances, au départ, distinctes : la première, en réaction à des années d’immobilisme, cherchant à promouvoir dans tous les domaines le développement social du monde québécois ; la seconde, mettant l’accent sur la qualité du statut politique et des cadres constitutionnels à l’intérieur desquels devait se poursuivre le destin du Québec.
Lutte entre les « réformateurs sociaux » et les « extrémistes » favorables au « statut d’indépendance »
Au début, l’opposition entre les deux tendances a pu paraître irréductible à certains. Des réformateurs sociaux notamment qui n’avaient vu dans le nationalisme québécois qu’un exutoire factieux à des énergies qu’on eût mieux fait d’utiliser ailleurs – ce qui fut souvent le cas – s’en prirent aux avocats d’une constitution réformée ou nouvelle, en particulier aux extrémistes qui commençaient alors à proposer brutalement le statut d’indépendance.
« Le déblocage des années 1960 »
Ce que l’on a nommé le déblocage des années 1960, c’est-à-dire, la remise en marche à un rythme plus normal de la société québécoise vers des idéaux connus de toute société moderne, a clairement démontré que le fossé était beaucoup plus illusoire que réel entre le social et le national. La majorité des réformateurs sociaux de la décennie 1950-1960, des antiduplessistes les plus acharnés, des vilipendeurs les plus assidus du nationalisme, se surprennent aujourd’hui à espérer que la constitution canadienne soit corrigée pour permettre une plus grande aisance d’action à la communauté nationale du Québec. Peu importe les derniers récalcitrants qui, sous le signe de la colombe, s’efforcent de maintenir un statu quo politique qui s’écroule. Ils ont l’utilité des bornes qui permettent de mieux mesurer le chemin parcouru.
On ne peut faire que le développement de la société du Québec ne tende vers le développement de la nation québécoise jusqu'à s’y identifier. Plus libres, plus démocrates, plus instruits, plus riches, les Québécois ont nécessairement une conscience plus nette de leur unité de groupe et entrevoient plus clairement la souveraineté comme une condition essentielle au perfectionnement de leur collectivité. Le social nourrit le national jusqu’à ce que le national apparaisse comme la clé indispensable d’un mieux-être social.
1968 : « la quête des options »
Psychologiquement, nous en sommes là ou à peu près. Au plan tactique, nous en sommes à la quête des options qui accéléreront ou ralentiront le mouvement.
Élimination de la thèse du statu quo
La proposition du « statut particulier »
Le statut particulier, avec ses variantes et son contenu indéterminé, possède actuellement un réel pouvoir de séduction. C’est qu’il a une facette qui prône un certain progrès et une autre qui propose en même temps un freinage certain. Ainsi a-t-on l’impression d’aller de l’avant dans un climat de sécurité. En réalité, c’est l’aspect négatif qui domine, qui prend toute la place. La thèse du statut particulier, on l’a déjà dit, c’est l’expression de la peur devant l’inévitable. C’est l’hésitation irréfléchie devant le choix final. C’est la crainte de ne pouvoir ménager ses arrières et de se voir couper la retraite, comme si la souveraineté du Québec signifiait autre chose qu’un simple réaménagement politique sur un territoire marginal de l’Amérique septentrionale. Une pareille thèse inspirée par le refus de la réalité, par le rejet du risque mesuré et réfléchi, reste inféconde ou engendre un monstre. On a mis du temps avant de risquer d’insérer un certain contenu sous l’étiquette « statut particulier ». Le jour où on l’a fait, l’absurdité de l’option est devenue plus claire : outre que la fédération canadienne allait souffrir d’une difformité constitutionnelle qui en ferait un objet de curiosité dans le monde – ce que l’on savait déjà par la seule énonciation de la thèse – les « privilèges » québécois qui ne sont qu’une fraction de ceux qu’offre la souveraineté, soulèveraient en dehors du Québec les mêmes protestations que l’indépendance ; protestations fort justifiées cette fois, puisqu’on demanderait au reste du Canada d’assumer le fardeau d’une portion d’autonomie qui ne bénéficie qu’à nous.
Les pénibles contorsions auxquelles oblige la thèse du statut particulier qui gagne ses adeptes dans les milieux conservateurs ont au moins ceci de valable qu’elles démontrent le penchant irrésistible du Québec vers la souveraineté.
Une souveraineté qui ne serait pas une fin en soi, « un caractère
d’objectif final »
C’est peut-être ce qui distingue le mieux l’option Lévesque de celle des partis indépendantistes déjà vieux de quelques années. Comme il arrive souvent dans l’histoire des groupes politiques du monde occidental, le RIN et le RN ont eu la tâche ingrate, mais nécessaire, de servir de ferment à des idées qu’une majorité, consciemment ou non, se refusait encore à admettre d’emblée. La propagande que ces partis furent forcés de faire pour vaincre les résistances ne pouvait à la longue que conférer à la notion d’indépendance un caractère d’objectif final, un caractère d’absolu, qui est évidemment à rejeter. Mais ces partis ont beau faire, ils restent marqués d’un cachet d’apolitique. On les croit – et peut-être les croira-t-on toujours – doctrinaires et aprioristes. Ils constituaient hier une étape essentielle.
L’option Lévesque
L’option Lévesque est la seule thèse souverainiste que les adversaires même les plus acharnés hésiteront à qualifier de jeu de l’esprit. C’est que par l’homme qui l’incarne et par les grandes lignes de son programme, elle représente assez bien cette convergence du social et du national qui est le phénomène le plus important de ces dernières années au Québec. Elle n’est pas que constitutionnelle, elle est politique. Posant d’une part les conditions requises au développement de la société québécoise, elle ne néglige pas pour autant les lignes de forces politiques et économiques du continent nord-américain.
« L’hypothèse de travail la plus valable »
Elle est actuellement l’hypothèse de travail la plus valable parce que la plus conforme aux réalités de l’heure qui, d’une part, sont faites d’aspirations irrépressibles et sans cesse grandissantes et d’autre part, de recherches frénétiques du cadre approprié où les réaliser.
Elle représente entre le passé et l’avenir un équilibre qui inspire confiance.
C’est cet équilibre, bâti à la mesure du Québec d’aujourd’hui, qui en fera peut-être un des points de ralliement les plus importants de notre histoire.
Jean BLAIN
(*) René LÉVESQUE, Option Québec, Montréal, Les Éditions de l’homme, 1968, 175 p. et Paris, Robert Laffont, 1968, 176 p. (coll. « Le monde qui se fait »). Texte intégral de la Préface par Jean Blain, historien, professeur d’histoire de la Nouvelle-France et spécialiste de l’historiographie canadienne, Faculté des lettres, Département d’histoire, Université de Montréal. Il est aujourd’hui à la retraite. (Voir les pages 11 à 15 d’Option Québec.)
NDLE.– Les titres et sous-titres intercalés dans le texte ont été ajoutés au texte original pour en faciliter la lecture. Les passages mis en caractères gras sont de nous.