Du MSA au PQ et à la souveraineté et au fédéralisme indiscernables

Présentation du texte de l'« avant-propos » du manifeste Option Québec (1968)

Nous sommes toujours devant le même probème : toujours à l'heure du choix ou à la croisée des chemins. C'était vrai en 1968 et ce l'est encore en 2007. Il est possible que les collaborateurs de René Lévesque aient écrit en 1968 « En guise d'avant-propos » à l'édition d'Option Québec le fin mot du souverainisme québécois. Depuis lors, tout le mouvement souverainiste s'est embourbé dans une conceptualisation de l'indépendance nationale du Québec qui n'en finit plus dans sa casuistique indépendantiste-optimiste, c'est-à-dire de l'indépendance facile parce qu'elle pourrait être une indépendance à deux.

Notons que la position de ces derniers rejoint d’autres interprétations traditionnelles canadiennes-françaises ou québécoises. Elle pourrait, d’après l’historien Maurice Séguin, se résumer en ces termes (si l’on n’entre pas dans les détails) :

1° l’obtention de l’indépendance politique pour le Canada-Français [aujourd’hui le Québec]

a) comme possible [ET] assez facilement, si l’on veut cette indépendance ;
[ET AUSSI]
b) comme quelque chose qui va de soi,

2° ou le recouvrement possible d’une indépendance politique perdue ou refusée par accident :

3° [tout en] percevant l’inévitable inégalité politique d’une nationalité minoritaire.
(Réf. : Les Normes, Chapitre premier.)


C’est souvent à partir d’un tel positionnement historique que les partis politiques provinciaux et fédéraux au Québec s’alignent pour définir leur programme politique. Cependant, dans le cas des hommes et des femmes politiques qui acceptent d’emblée le principe fédératif, ceux-ci et celles-ci rejettent ipso facto l’idée de la nécessaire indépendance et souveraineté de l'État du Québec. Il n’en reste pas mois que les penseurs d’Option Québec avec à leur tête René Lévesque ont fait le pari de la souveraineté association. Leur objectif central consistait à vouloir « réconcilier la réalité de l’interdépendance avec les exigences de la souveraineté politique ». Dans le contexte canadian, ils ne souhaitaient rien de moins qu’« un Québec souverain, associé au reste du Canada dans une nouvelle union ». Cette logique indépendantiste a conduit les Québécois sur tellement de pistes quant à l’avenir du Québec qu’il est presque impossible de savoir clairement ce que veut dire et l’indépendance et la souveraineté et même la nature du pays rêvé.

AU COURS DES 40 DERNÈRES ANNÉES

Le document qui suit constitue une illustration vivante de l’incapacité collective des Québécois au cours des 40 dernières années de rectifier le tir et de corriger les éléments fondateurs du péquisme qui nous a conduits collectivement dans un cul-de-sac. Disons-le clairement, la campagne électorale en cours ne peut qu’illustrer une fois de plus le mal de chien que se donnent nos politiciens à vouloir nous convaincre finalement qu’ils sont tous autonomistes sur un plan ou sur un autre. En revanche, les faits nous montrent plutôt qu’ils sont tous des fédéralistes sur un plan ou sur un autre.

Le débat des chefs qui s’est tenu le 13 mars 2007 à Québec a démontré que chacun était autonomiste à sa façon. Finalement, leurs débats nous conduisent nulle part, sinon que de nous maintenir de gré ou de force dans le système d’union fédérale canadian avec des nuances bien entendu quant au fonctionnement du régime qui pourrait être très centralisé ou peu centralisé.

Si l’un de ces partis politiques faisait le pari d’endosser l’optique indépendantiste, nous pourrions enfin comprendre quelque chose et surtout savoir où nous voulons aller. Or, le Québec est encore très loin de cet objectif.

Le document que nous vous offrons en lecture illustre merveilleusement les contradictions intrinsèques de la pensée politique québécoise actuelle qui est elle-même héritière d’un passé très lourdement imprégnée par le courant fédéraliste. S’il y a d’une part une majorité de fédéralistes-optimistes, d’autre part nous trouvons un fort contingent d’indépendantistes-optimistes. Ces deux groupements politiques continuent à s’affronter tout en étant d’accord sur des points essentiels du fonctionnement de la fédération canadienne. Or, les indépendantistes-raisonnables tiennent à mettre fin à cette imposture en soulevant l’importance de la compréhension de la notion de nation au sens intégral (cf. la Chronique de jeudi, 15 mars 2007, sur le site Internet VIGILE.NET) http://www.vigile.net/

Bruno Deshaies
Montréal, 14 mars 2007

Document

En guise d’avant-propos


À L’HEURE DU CHOIX

« On est tout à fait un homme social,
Digne de ce nom, que si l’on a
Une partie qui vous soit propre et
Que nul ne vous puisse contester.
Le plus souvent on naît dans une
Patrie; mais souvent aussi il faut,
hélas, la conquérir »

Jacques Madaule

En octobre dernier [1967], nous quittons le Parti libéral du Québec.

Six mois plutôt, nous étions une vingtaine réunis dans une auberge du Mont-Tremblant pour faire le point, entre nous, sur la question constitutionnelle. À travers de nombreux incidents, dont la presse a largement fait état et qu’il n’y a pas lieu d’analyser ici, nous avons poursuivi recherches et réflexions qui devaient nous conduire à une option susceptible de réconcilier la réalité de l’ interdépendance avec les exigences de la souveraineté politique nécessaire au développement des nations modernes, où l’État joue un si grand rôle dans la vie économique, social et culturelle des peuples.

Cette option pour un Québec souverain, associé au reste du Canada dans une nouvelle union, fait l’objet des textes que nous avons réunis dans ce petit livre à l’intention de tous ceux qui s’interrogent aujourd’hui sur l’avenir du Québec et du Canada.

Il ne s’agit pas d’un programme électoral. On ne trouvera pas dans cet ouvrage de réponse à tout. Mais on y trouvera un esprit et une option.

Nous sommes, croyons-nous, à l’heure du choix.

Un choix inéluctable qu’il nous faut avoir le courage d’envisager, sans nous perdre dans de vaines querelles de mots, de formules ou de personnalités.

La crise constitutionnelle canadienne n’est pas « une invention »… Non seulement elle existe, mais elle va sans cesse s’aggravant et approche du point d’ébullition.

Même ceux que cela dérange, même ceux à qui cela fait peur doivent se rappeler que c’est le Québec qui a déclenché cette crise – et que c’est lui aussi, par conséquent, qui doit trouver en lui-même la lucidité et le courage d’en amorcer le dénouement.

De quoi s’agit-il ? du droit de vivre sa vie, du droit de vivre notre vie ; droit à la vie des hommes, qu’ils soient faibles ou puissants ; droit à la vie des peuples ou des nations, quelle que soit leur taille.

Comme Fernand Dumont, directeur de l’Institut des sciences humaines de l’Université Laval, nous croyons « à la vertu des petites nations », et nous revendiquons pour la nôtre le droit à la vie.

Cette vie que nous voulons vivre est celle d’hommes libres dont nous voulons assumer pleinement la responsabilité ; à moins d’être un enfant, on n’a pas le droit d’abdiquer cette responsabilité-là, de la troquer pour quelque tutelle que ce soit, si confortable soit-elle.

Mais cette vie, rien ne nous empêche pas de vouloir la vivre pleinement tout en l’associant librement et naturellement à celle des autres, celle des autres hommes, celle des autres peuples, d’égal à égal.

C’est là ce que nous proposons aux Canadiens.

Quant à nous, nous ne voyons pas d’autre solution, non pas en désespoir de cause, mais à cause de l’espoir !

Cet espoir fondé sur la conviction que les peuples libres, comme les hommes, peuvent s’unir pour bâtir cette nouvelle société qui réponde à leurs besoins, pour édifier la cité libre de demain.

Nous avons un pays à construire, et il nous reste peu de temps pour le faire.


Rosaire BEAULE
Gérard BÉLANGER
Jean R. BOIVIN
Marc BRIÈRE
Pothier Ferland
Maurice JOBIN
René LÉVESQUE
Monique MARCHAND
Guy PELLETIER
Réginald SAVOIE

René Lévesque, Option Québec, Montréal, Éditions de l’Homme, 1968, 173 p. [Préface par Jean Blain] ; Option Québec, Paris, R. Laffont, 1968, 176 p. (coll. « Le monde qui se fait ») ; Option Québec, texte précédé d’un essai d’André Bernard, Montréal, Éditions de l’Homme, 1988, 252 p. Disponible aujourd’hui chez Édition TYPO *127, 1997, 368 p. ISBN 2-89295-140-2