Le chanoine Lionel Groulx - Sa pensée
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Lionel Groulx
Le « Rond-Point »
Le chanoine Lionel Groulx a connu une longue carrière d'éducateur, de promoteur de l'idée nationale canadienne-française et d'écrivain. De l'ensemble de son œuvre, il ne faudrait pas sous-estimer l'effort qu'il a fait pour écrire sa synthèse générale de l'histoire du Canada. Son Histoire du Canada français en quatre tomes (Montréal, Fides, 1950-1952) a d'abord été lu à la station radiophonique CKAC-Montréal à partir du 4 décembre 1949. Par période de quinze minutes, tous les dimanches soirs de 4 h 30 à 4 h 45, il a pu distiller à l'intention d'un vaste public son interprétation de l'histoire du Canada. « Grâce à son inscription sur disque, écrit Jean Genest, ce cours fit le tour de la province, visita l'Ontario, le Manitoba et l'Alberta, avant d'être mis en volume aux éditions Fides. (cf. L'Action nationale, LVII (juin 1968), 10 : 1100) »
Le fait que le chanoine Groulx ait pris conscience comme aucun de ses compatriotes de l'existence du peuple auquel il appartenait ne le range pas nécessairement dans le clan des racistes, car à ce compte-là on pourrait en trouver beaucoup au Canada ou ailleurs dans le monde, d'hier à aujourd'hui. « La vocation de l'abbé Lionel Groulx telle qu'elle se dégage de son œuvre, son message, écrit André Laurendeau, se résume en une ligne : rendre aux Canadiens français le sentiment de leur personnalité. (In Nos maîtres de l'heure : l'abbé Lionel Groulx, 1939, cité par Pierre Patry) »
Si des historiens ou des historiennes d'aujourd'hui découvrent un Groulx gênant, c'est qu'ils ont peut-être mal compris l'action d'un homme qui a travaillé à éveiller la conscience nationale de tous ses compatriotes. Une analyse portant sur toute sa vie nous révélerait sûrement un homme qui intimiderait plus d'un d'entre nous aujourd'hui. Par son courage, son labeur, son désir de vérité et par son angoisse, il a cherché à travers son passé le présent d'un peuple dont il était par toutes les fibres de son être.
La crise autour de la présomption de racisme chez Lionel Groulx mériterait de nouveaux éclairages dans une perspective plutôt historique que strictement polémique. Car je lisais récemment une citation de Sir Wilfrid Laurier où il déclarait que « le plus beau nom de la race française au Canada, c 'est le nom de cette noble famille [la famille Taschereau] dans laquelle le talent, le caractère, l'honneur, la force et le travail sont héréditaires [...] ». Faudrait-il penser que Laurier était raciste ? L'Oeuvre du chanoine Groulx est nettement plus complexe que celle qu'on pourrait imaginer. Les jugements a priori n'ont pas de place en histoire. La découverte des évidences est un long processus d'analyse, d'inférence, de corroboration et de preuves qui exige plus que des hypothèses et des grilles d'analyse. L'humilité est au cœur de la recherche scientifique. À cet égard, l'explication des trois étapes dans la pensée politique du chanoine Lionel Groulx par Maurice Séguin nous rassure quant à la pratique de la profession d'historien. Il ne suffit pas d'être long pour être nécessairement clair !
Bruno Deshaies
info@rond-point.qc.ca
Québec, 16 avril 1998