L'affrontement Lesage-Johnson (1962)
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JOHNSON – la nationalisation
Je vous remercie, M. Charette. Nous venons d'entendre l'un des bons discours qui pourrait être fait à l'occasion d'un référendum qui sera tenu avant le 30 juin 1963, puisque l'Union nationale doit arriver au pouvoir. Et précisément, l'une des raisons pour lesquelles, à mon sens, la population va nous faire confiance, c'est qu'elle considère que le gouvernement se sert de cette question de nationalisation pour cacher le but véritable d'une élection. Une élection c'est d'abord pour demander, pour rendre compte, dis-je, à la population de son mandat. Deuxièmement, c'est de demander à la population un mandat pour une autre période, période normale de quatre ans, théorique de cinq ans.
Je considère que cette question de la nationalisation, le Parti libéral s'en sert comme nos mamans, lorsque nous étions jeunes, se servaient du jus d'orange pour nous faire avaler de l'huile de ricin. On aimait le goût du jus d'orange, mais au fond du verre il y avait l'huile de castor. Mois je considère que la nationalisation, qui est une question éminemment sympathique et qui, je crois, plaît non seulement aux libéraux mais probablement à une très forte majorité même des candidats de l'Union nationale, est quand même un jus d'orange qu'on veut nous faire prendre, et en même temps, au fond du verre, il y a là l'huile de ricin et ça, ce sont les promesses violées et ce sont les taxes qu'on avait promis de ne pas imposer et qu'on a imposées.
Comme le disait l'un de mes candidats, le gouvernement actuel a trouvé moyen, avant les élections, de tout promettre sans taxer et maintenant il a tout taxé sans rien faire. C'est peut-être exagéré comme tous les axiomes, mais il reste tout de même qu'il y a beaucoup de vérité là-dedans.
« [...] la clef de la libération économique, moi je n'ai aucun doute au référendum, la population se prononcera en faveur de l'étatisation »
Sur cette question de la nationalisation, je considère que le parti libéral a eu tort d'en faire une question électorale. C'est une question qui devrait être débattue au-dessus des lignes de partis. S'il est exact que l'avenir de notre peuple, que la libération économique dépendent de la nationalisation de toutes les compagnies mentionnées, -- et ce ne sont pas toutes les compagnies, parce que dans le cas, par exemple, du Saguenay, le gouvernement prend Saguenay Electric, qui est la compagnie de distribution, mais ne prend pas l'usine productrice. En somme, comme on dit chez nous, ils achètent la " run " de pain sans acheter la boulangerie - s'il est vrai que l'électricité, sous le contrôle complet, direct de l'Hydro-Québec, doit être la clef de la libération économique, moi je n'ai aucun doute au référendum, la population se prononcera en faveur de l'étatisation. Mais je crois qu'il est injuste, antidémocratique d'imposer à l'électorat d'avoir à choisir la nationalisation et en même temps être obligé d'accepter un gouvernement qui, à mon sens, ne devrait pas être accepté.
Il se trouve des libéraux qui sont en faveur du gouvernement mais qui sont contre la nationalisation ; il se trouve des gens de l'Union nationale qui sont en faveur de la nationalisation mais n'approuvent pas bien des choses qui se sont passées depuis 27 mois et que j'ai eu l'occasion de faire... d'exposer, dis-je, au public. Je trouve que le parti libéral a pris le risque de tuer la nationalisation en en faisant une question électorale alors que nous, nous la sauverons d'un péril électoral parce que d'après la déclaration d'Amqui, que tout le monde a lue dans les journaux, l'Union nationale ne considérera pas un vote en faveur de mon parti comme un vote contre la nationalisation. Je crois, je soumets respectueusement à la population, qu'on n'aurait pas dû mêler ainsi les questions. Et surtout, qu'on imagine, pour un seul instant, la situation : ce qui m'inquiète, moi, ce sont les chiffres et je n'ai pas le droit [même si plusieurs d'entre nous sont en faveur du principe de l'étatisation] quand il s'agit du bien commun, je n'ai pas le droit, comme chef de parti, de prendre une décision quant aux modalités parce que je ne connais pas les chiffres complets.
Les experts du gouvernement, dont on n'a jamais entendu parler, les experts du gouvernement dont on ne connaît pas les noms, les experts du gouvernement qui ne sont pas venus à la télévision et qui n'ont pas écrit dans les journaux, disent 600 millions. D'autres personnes, qui sont aussi des experts en la matière, en matière de finance, disent que c'est peut-être 850 millions, et il se trouve qu'une publication sérieuse dit un milliard. Il faut tout de même regarder les chiffres avant. Deuxièmement, il faudrait se rendre compte de la situation exacte de la province. J'ai les derniers chiffres qui ont paru dans un prospectus du 12 juillet, mais malheureusement, je pense qu'au lendemain du 14 je trouverai une situation encore plus détériorée.
En résumé, l'Union nationale veut être démocratique. Elle permet à tout le monde de juger d'abord le gouvernement et ensuite, avant le 30 juin, la population pourra, en toute liberté, en toute connaissance de cause, ayant devant elle le nom des experts, les chiffres, ayant fourni l'occasion aux gens qui sont en faveur, comme aux gens qui sont contre la nationalisation, l'occasion de se faire entendre, l'Union nationale, dis-je, sauvera l'idée de la nationalisation et elle permettra qu'on soit un peu plus démocratique dans la province de Québec.