Affrontements nationaux dans l'histoire
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L'affrontement de deux nationalismes au sein d'un même État: des compromis possibles ou une situation intenable ?
Une situation intenable ?
Des échecs passés et des compromis anticipés qui ne semblent pas satisfaire les attentes des camps antagonistes, doit-on conclure que la situation est intenable ? La réponse à cette question est très difficile à donner. Bien sûr, si les Québécois et les Canadiens persistent dans des attitudes diamétralement opposées, on peut raisonnablement conclure que la situation demeurera intenable, et encore pour longtemps.
Dans le camp des indépendantistes, la situation du Québec comme nation annexée confirme sa subordination sur place ; dans le camp des fédéralistes, la situation du Québec ressemble plutôt à celle de la nation satellite qui subit une subordination de voisinage. Si la subordination sur place est inacceptable pour une majorité de Québécois, alors la situation est intenable. Une transformation profonde de la situation devient impérative par l'usage de moyens pacifiques ou ... par la force des symboles à tout le moins. Si une majorité croit toujours que le Québec constitue une nation satellite dans un système fédéral qu'elle croit suffisamment flexible et peu centralisé à leurs yeux, compte tenu des arrangements nationaux gérés conjointement, alors la situation peut leur paraître acceptable.
Cette conclusion peut certainement choquer les indépendantistes ou les souverainistes, mais elle ne demeure pas moins dans la logique des avantages (limités) du fédéralisme. Des transformations superficielles peuvent être nécessaires : elles laissent toutefois le régime intact.
Ce que les indépendantistes n'acceptent pas, finalement, c'est la situation suivante que Maurice Séguin a décrite en ces termes :
" La nationalité minoritaire " bien " annexée, " bien " fédérée dans une union fédérale qui lui permet au moins un État provincial, vit de sa propre vie limitée en politique, en économique, au culturel et s'appuie (en parasite - avec les inconvénients et les avantages...) sur la vie politique, économique et culturelle de la nation majoritaire fédérante. " (Les Normes, p. 183 ou Les Normes, 3, 10, 1, 2- c)
Cette description de situation semble correspondre à l'état du Québec actuel. Conséquemment, il est facile de deviner que pour les nationalistes indépendantistes québécois cette situation est insupportable, voire mémé intolérable et, corollairement, inadmissible pour les fédéralistes, même nationaliste.
Comment pouvons-nous sortir de cette situation intenable ? Négativement d'abord : en éliminant la subordination sur place, c'est-à-dire l'annexion du Québec Français au Canada-Anglais créée par la constitution canadienne de 1867. Positivement, il faut maintenant transformer l'espace canadien en un espace où le Québec sera capable de se charger de la plénitude de ses pouvoirs comme État, de contrôler la gestion entière de sa vie civile et d'assumer la totalité de ses rapports avec les autres nations dans le monde, y compris le Canada-Anglais, pour le meilleur ou pour le pire.
L'aboutissement de cette évolution, dans l'optique indépendantiste, ne sera réalisable que par l'appui majoritaire de la population québécoise.
Finalement, la question à se poser n'est pas tant : " Quel avenir pour quel Canada ? ", mais bel et bien " QUEL AVENIR POUR QUEL QUÉBEC ? " En outre, si une telle chose existe ou veut exister que l'unité canadienne, comment pourrait-il se faire que demain ne puisse exister une " UNITÉ QUÉBÉCOISE ", libre et responsable de son destin, en tant qu'État-Nation dans le monde ?
Les Québécois sont conviés à faire leur histoire plutôt qu'à la réécrire en vain dans leur imaginaire collectif ou de se la faire raconter par tous les défenseurs bien pensants de l'unité canadienne ainsi que par des libéraux d'esprit qui prêchent l'humanitarisme à condition d'être fédéralistes et de pratiquer un nationalisme positif sans trop se prendre au sérieux. Cependant, ces derniers savent très bien, ironiquement, que la loi du plus fort est toujours la meilleure.
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Bruno Deshaies
Québec, 22 janvier 2000