Affrontements nationaux dans l'histoire
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L'affrontement de deux nationalismes au sein d'un même État: des compromis possibles ou une situation intenable ?
Des compromis, malgré tout, sont-ils possibles ?
Si l'idée de compris signifie un " accord obtenu par des concessions mutuelles ", la question consiste donc à savoir jusqu'où le Canada est prêt à faire des concessions et jusqu'où peut se rendre le Québec dans ses concessions et vice versa. À l'heure actuelle, le Canada considère la constitution comme intangible ; le Québec croit que le fédéralisme canadien doit être adapté. Devant ces deux positions antagonistes, il est raisonnable de penser que les deux options demeurent irréconciliables : l'indépendance, d'un côté, et l'assimilation complète, de l'autre.
1. Le cas de l'indépendance
Si le Québec adopte la solution de l'indépendance en vue d'assurer sa libération politique, les compromis deviennent impossibles avec le Canada. Il reviendra au Québec Français, seul et indépendant, à assumer les avantages et les inconvénients des relations interétatiques entre des pays souverains. Le Canada-Anglais ne fera pas de quartiers.
Ce choix qui modifierait radicalement la donne canadienne, peut être le compromis ultime entre les deux pays. Nous savons que cette option n'est pas à la portée de toutes les ethnies ou de toutes les nations dans le monde. En outre, c'est plus qu'un acte de volonté et de solidarité, c'est un acte de recherche, d'affirmation et de défense de la maîtrise suffisante de sa vie collective, c'est-à-dire une maîtrise suffisante de la vie intérieure (c'est-à-dire de tout ce qui peut concerner la société civile) et une maîtrise suffisante de la vie extérieure (c'est-à-dire d'une présence par soi, sans collectivité interposée, au monde extérieur). Cette voie d'avenir, le Canada la rejette d'emblée. Le Québec doit donc prendre position, se tenir debout, et assumer son nationalisme complet. " Tout nationalisme complet, écrit Maurice Séguin, est séparatiste. " (Les Normes, p. 162 ou Les Normes, 3, 2, 4- c)- 6)
2. Le cas de l'assimilation
Les Québécois s'opposent à l'éventualité de leur assimilation avec la plus ferme des énergies depuis des générations successives de Canadiens-Français. Toutefois, le Québec est tombé dans l'annexion par la conquête, d'abord, en 1760, puis par l'Union, en 1840, et finalement la Confédération canadienne est venue confirmer le processus avec certaines améliorations pour la nation minoritaire. Le passage de l'identité culturelle de la nation canadienne-française se situe depuis longtemps dans le processus d'annexion au Canada-Anglais - ce SECOND CANADA issu de la Conquête. Le processus d'annexion préfigure son corollaire, le processus d'assimilation. Après 240 ans, les chiffres démographiques parlent d'eux-mêmes : une population du Québec autour des 7 millions ; une population de l'Ontario dépassant les 12 millions et la population totale du Canada environnant les 30 millions. L'Ontario se dirige résolument vers un poids démographique pouvant atteindre la moitié de la population du Canada pendant que le Québec constate que son poids démographique diminue légèrement, mais progressivement, depuis 1822.
Ce premier constat doit être complété par un second constat. Dans certains milieux intellectuels et même chez le Parti québécois, on s'imagine que l'application d'une politique dans le genre du multiculturalisme et surtout du pluralisme pourrait conserver au Québec sa force démographique. Il suffirait que tout le monde accepte, en revanche, une langue commune, le français. Ceci ne veut pas dire une culture commune puisque l'idéologie du pluralisme s'y oppose forcément. Selon cette orientation, le Québec Français devient un Québec pluriculturel où toutes les ethnies peuvent s'épanouir librement en respectant un minimum de français, soit une sorte de langue fonctionnelle comme on entend dans les aéroports internationaux. La société devient un lieu de transit des langues où l'on souhaiterait que le français domine. Cette forme singulière de l'acculturation du Québec- Français ne peut que conduire à l'assimilation de la société d'origine qui a voulu, qui a soutenu et qui a défendu la Loi 101 et qui, pour une large partie de sa population, a supporté et appuie encore le projet de souveraineté.
Le Québec Français n'a que faire de ces beaux parleurs qui prônent des manifestes de coalition nationale en vue d'" une nouvelle concertation entre Franco-Québécois, Anglo-Québécois, autochtones et communautés culturelles " visant à " construire la nation québécoise ". La nation québécoise existe parce que des générations de " Canadiens " ont persisté dans leur identité au cours d'une trentaine de décennies. Qu'est-ce que cette idée saugrenue que de vouloir " jeter les souches au feu de la Saint-Jean " ?
3. Le cas des pouvoirs accrus pour le Québec
Il serait trop long d'étudier, selon l'optique indépendantiste, les rapports de forces qui peuvent exister dans une union fédérale très centralisée ou peu centralisée. Cependant, il est possible de retenir cette conclusion de Maurice Séguin : " Pour la nation minoritaire dans une vraie union fédérale, il y a oppression essentielle appauvrissante, remplacement de l'agir collectif, directement [...] et indirectement " en politique, en économique et au culturel (cf. Les Normes, 181 ou Les Normes, 3, 10, 1, 1- k).
Il serait de même trop long d'étudier, selon l'optique fédéraliste, les rapports de forces qui peuvent exister dans une union fédérale très centralisée ou peu centralisée. Cependant, il serait peut-être bon de noter quelques éléments de l'argumentaire des fédéralistes.
D'une manière générale, selon Maurice Séguin, le partisan du fédéralisme
- " juge l'autonomie provinciale comme suffisante en elle-même, au point de vue politique (il est parfois question de quasi-souveraineté politique); (Les Normes, p. 192 ou Les Normes, 3,10,3,9)
- " proclame que l'autonomie provinciale suffit au peuple minoritaire, s'il le veut, pour être maître chez lui en économique (" pour parfaire son autonomie économique "); qu'un échec en économique n'est pas une raison pour rejeter tout le régime... (Les Normes, p. 192 ou Les Normes, 3,10,3,10)
- " ne voit pas pourquoi un tel régime de partage respecté n'aboutirait pas à l'épanouissement culturel de la nationalité minoritaire: celle-ci n'a-t-elle pas pleine juridiction sur ses organismes culturels et même ne peut-elle pas négocier directement avec l'étranger en ce qui concerne l'éducation, les relations culturelles (techniques, scientifiques, artistiques), etc.; (Les Normes, p. 192 ou Les Normes, 3,10,3,12)
- " souligne que ce serait " démissionner " que de se replier comme dans une réserve, sur le seul État où la nationalité minoritaire pourrait devenir une nation majoritaire; (Les Normes, p. 192 ou Les Normes, 3,10,3,14)
Comme on peut le constater, ce sont surtout ceux qui adoptent l'optique fédéraliste qui croient à une amélioration du régime fédéral qui pourrait satisfaire l'autonomie provinciale. Finalement, dans ce débat, " c'est avant tout, conclut Séguin, une question de force plutôt qu'une question de justice. Une nation a le " droit " que lui confère sa " force ". " (Les Normes, p. 188 ou Les Normes, 3, 10, 1, 1- x).
Les Québécois admettront-ils un jour le langage du réalisme politique au lieu de vivre et d'agir selon des schèmes romantiques ? Les Québécois ont un urgent besoin d'une révolution mentale profonde, presque d'un traumatisme idéologique choc, s'ils veulent vraiment transformer la fédération canadienne ou la quitter définitivement. Japper après le Canada-Anglais ne nous avance à rien ; rechercher, affirmer et défendre la maîtrise de notre " agir (par soi) collectif " serait la meilleure politique à suivre.
4. D'autres solutions
Y aurait-il d'autres solutions possibles ? Il semblerait que oui pour un certain nombre de Québécois et de Canadiens. Toutefois, elles apparaissent plus techniques ; elles relèvent, principalement, soit de solutions administratives ou de solutions juridiques qui ne changent à peu près rien aux bases réelles du fédéralisme. Ces autres solutions ne peuvent être que des solutions de bonne entente entre les parties mais elles ne modifient pas les règles fondamentales du jeu. Le débat a lieu DANS le régime et non pas SUR le régime. La lutte est traditionnelle et se situe à l'intérieure des limites reconnues et acceptées ; elle ne peut pas être " révolutionnaire " en ce sens qu'elle modifierait radicalement la constitution du pays. Si tel était le cas, il y aurait cassure, rupture ou fracture du régime. Parmi les autres solutions envisageables, cette vision est inacceptable. L'unité canadienne prime sur tout. Les frères siamois doivent s'aimer comme des scorpions dans un même bocal, soit jusqu'à la mort de l'un d'eux.
Les accords de Victoria, de Meech et de Charlottetown ont tous échoué. Qui dit mieux !