Rond-Point Accueil > Conférences > Sackville (12 novembre 1999)
Les nations et le nationalisme dans l'histoire
d'après l'historien Maurice Séguin
I.- Vision d'un prophète
N'en déplaise à tous les fédéralistes qui s'évertuent à nous faire croire que les seules formules politiques issues du fédéralisme sont les seules solutions d'avenir, nous croyons sincèrement que les aspirations du Québec Français sont là pour durer et qu'il serait vain pour le Canada Anglais de se mettre la tête dans le sable en prônant une idéologie qui ne résistera pas aux faits, à moins d'abuser de son pouvoir et de pousser les Québécois Français dans leurs derniers retranchements, puis de faire éclater au grand jour le mécontentement de toute une nation. La résistance à l'assimilation est nécessaire pour une nation si elle veut durer.
Le Québec a une longue tradition de survivance derrière lui. L'histoire lui a appris, après des expériences nombreuses et douloureuses, que son avenir repose maintenant sur de nouvelles relations interétatiques. Les paramètres des relations de voisinage et de subordination sur place doivent être complètement changées entre le Québec et le reste du Canada (le « ROC »). Jusqu'à ce jour, les appels à ce changement ont échoué.
De nombreux universitaires québécois se sont transformés depuis plusieurs années en des "spécialistes-de-la-question-nationale ". Ils ont publié pendant douze semaines dans Le Devoir, cet été, une série de textes sur " Penser la nation québécoise ". Un Colloque a été tenu sur le même thème à l'Université McGill, le 8 octobre dernier (cf. http://www.cibl.cam.org/nation.htm ). Dans ce débat, il a été très peu tenu compte des réactions des lecteurs du Devoir. " C'est incroyable comme on a la mémoire courte dans ce pays " a fait remarquer le professeur Serge Cantin, l'un des douze participants de cet été. Et il a même ajouté : " À lire plusieurs des articles de la série, on a l'impression que personne n'a pensé "la nation québécoise" avant les années quatre-vingt-dix de ce siècle... ". Sur quoi, il a conclu qu' " il faudrait que d'autres intellectuels se lèvent et prennent ou reprennent la parole, avant qu'il ne soit trop tard [et] que nos universitaires-spécialistes-de-la-question-nationale n'aient définitivement noyé celle-ci sous le flot de leurs arguties. " (Cf. http://www.leDevoir.com/ago/1999a/ncantin_c.html#reponses ) Ce qui a fait dire à Jean Pichette du Devoir que " le recentrage du débat sur la question nationale autour de l'enjeu du pluralisme n'a cependant pas recueilli l'aval de tous. " (9 octobre 1999, p. A5.)
Les Québécois sont conviés à faire leur histoire plutôt qu'à la réécrire en vain dans leur imaginaire collectif ou de se la faire raconter par tous les défenseurs bien pensants de l'unité canadienne ainsi que par des libéraux d'esprit qui prêchent l'humanitarisme à condition d'être fédéralistes et de pratiquer un nationalisme positif sans trop se prendre au sérieux. Cependant, ces derniers savent très bien, ironiquement, que la loi du plus fort est toujours la meilleure.
En cette fin de siècle, il nous semble que le temps est peut-être venu de reconnaître la pensée de Maurice Séguin et de ne pas continuer à lui faire subir l'affront que les scientifiques ont réservé à Gregor Mendel au sujet de ses découvertes concernant le phénomène de l'hérédité. Cinquante ans, c'est long ! Déjà, pour Séguin, nous comptons cinquante-trois ans !
En terminant, nous invitons les spécialistes en sciences humaines et surtout les historiens à jeter un regard objectif sur Les Normes et sur l'Histoire de deux nationalismes au Canada par Maurice Séguin afin de mieux saisir les nouvelles convergences préparant une situation en devenir dont nous devons nous assurer qu'elles répondent aux véritables aspirations des Québécois. Le Canada Anglais ne peut écrire seul l'Histoire.
Bruno Deshaies
Québec, 22 janvier 2000